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Actualités of Friday, 12 October 2018

Source: lepoint.fr

Présidentielle au Cameroun: le brouillard électoral persiste

Les résultats officiels sont attendus d'ici le 22 octobre prochain Les résultats officiels sont attendus d'ici le 22 octobre prochain

Les résultats de la présidentielle ne sont pas encore publiés, mais des voix autorisées s'élèvent pour demander leur annulation. Ce sont celles des trois principaux candidats qui ont saisi le Conseil constitutionnel arguant « de fraudes et d'irrégularités » dans le scrutin.

Qu'adviendra-t-il de la présidentielle qui vient de se dérouler au Cameroun, notamment le 7 octobre dernier ? Alors que les conditions de sécurité ou en tout cas la pression sécuritaire a été suffisamment forte dans les zones anglophones et dans l'extrême-nord pour que le scrutin se soit déroulé dans des conditions satisfaisantes, que le « ?pénalty? » tiré par le candidat Maurice Kamto proclamant sa victoire en a désorienté plus d'un, voilà que des faux observateurs se réclamant de Transparency International se sont manifestés, jetant le trouble dans les esprits au moment où il est difficile de distinguer ce qui relève de la manœuvre politique, du mensonge, de la manipulation ou tout simplement de la vérité.

Une enquête demandée sur les soi-disant observateurs de Transparency International

Ce dernier épisode portant polémique sur la véracité ou non du statut d'observateur de personnes se réclamant de Transparency International est symptomatique d'une atmosphère et de pratiques pouvant porter atteinte à la sincérité du scrutin. C'est la raison pour laquelle Maurice Kamto du MRC a demandé mercredi une enquête sur les « ?faux? » observateurs électoraux présentés par les médias d'État comme missionnés par Transparency International, ce que l'ONG a démenti. « ?Une enquête publique doit être ouverte le plus rapidement possible pour savoir qui sont ces faux mandataires de Transparency International, qui sont ceux qui les ont amenés? », a déclaré à la presse à Yaoundé Olivier Bibou Nissack, porte-parole de Maurice Kamto. Il faut dire que ce qui s'est passé lundi soir n'est pas ordinaire.

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Une plainte déposée contre la chaîne publique, la CRTV

Ce jour-là, la télévision d'État, la CRTV, a diffusé une présumée conférence de presse de présumés observateurs électoraux présentés comme employés de l'ONG Transparency International qui se félicitaient de la bonne tenue du scrutin. « ?Le déroulement du dépouillement du scrutin au Cameroun est une vraie leçon de démocratie? », a ainsi déclaré l'une des six personnes présentées par la télévision d'État comme observateurs missionnés par l'ONG. Mais mardi, Transparency International a démenti dans un communiqué avoir envoyé une mission d'observation, jugeant « ?inacceptable? » l'usurpation de titre dont elle a fait l'objet.

Ces présumés observateurs ont indiqué mardi sur les réseaux sociaux avoir été invités par l'organe « ?Agence Cameroun Presse? », lequel était injoignable mercredi pour un commentaire. À titre de précision : le compte Twitter « ?Agence Cameroun Presse? » a été lancé en juillet 2018, de même que son site internet. Ce qui en soi n'a rien de surprenant puisqu'en amont de la campagne présidentielle, de nombreux comptes sur les réseaux sociaux et sites internet ont été créés par différents acteurs politiques.

Quoi qu'il en soit, le porte-parole de Maurice Kamto a indiqué mercredi qu'une plainte allait être déposée contre la CRTV, et affirmé que ces présumés observateurs « ?étaient là pour cautionner des fraudes? ». Il a par ailleurs dénoncé les attaques dont M. Kamto serait la cible et a déclaré que « ?nulle part il n'y a eu d'invite à l'insurrection (et) à la violence, mais que partout et à chaque fois nous avons dit :?« La fraude, nous y résisterons.? » Faut-il le rappeler : lundi, M. Kamto a revendiqué avoir « ?marqué le penalty? » de la victoire au scrutin de dimanche, sans toutefois brandir un seul chiffre. Dans la foulée, les autorités ont indiqué que M. Kamto se plaçait « ?hors-la-loi? » par de telles déclarations, le Conseil constitutionnel étant le seul organe habilité à proclamer les résultats au Cameroun, au plus tard 15 jours après le vote.

Une demande d'annulation du scrutin introduite auprès du Conseil constitutionnel

N'attendant pas que la proclamation officielle soit faite, les trois principaux candidats et concurrents de Paul Biya à l'élection présidentielle ont saisi jeudi le Conseil constitutionnel afin qu'il annule en partie ou totalement le scrutin de dimanche, pour « ?fraudes et irrégularités? », a constaté un journaliste de l'AFP. Ainsi, Maurice Kamto, qui avait revendiqué sa victoire dès le lendemain de l'élection, a déposé au Conseil constitutionnel une « ?requête en annulation partielle des opérations électorales? ».

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Joshua Osih, candidat du principal parti d'opposition, le Social Democratic Front (SDF), et Cabral Libii, 38 ans, le plus jeune des candidats, très populaire auprès de la jeunesse, ont eux aussi introduit des recours en annulation totale du scrutin. Ces requêtes ont été affichées au Conseil constitutionnel dont les membres sont des proches du président sortant Paul Biya, 85 ans, au pouvoir depuis 1982, et qui était candidat à un 7e mandat consécutif. Le Conseil doit examiner ces requêtes et donner son verdict avant de proclamer le résultat du scrutin, au maximum deux semaines après l'élection.

Ce qui est reproché au scrutin

Qu'est-ce qui justifie cette demande d'annulation ?
Pour Maurice Kamto, qui sollicite l'annulation du vote dans sept des dix régions du pays, c'est en raison « ?des multiples irrégularités, d'importants cas de fraudes et des cas de violation de la loi? ». Il demande ainsi l'annulation dans les régions anglophones du Nord-Ouest et Sud-Ouest, en proie à un conflit armé depuis un an entre séparatistes et forces armées, qui a rendu impossible d'y « ?respecter les règles d'organisation de l'élection présidentielle? ».

Pour Joshua Osih, le scrutin a été « ?émaillé par une kyrielle d'irrégularités qui (...) compromettent durablement la sincérité du résultat? ». Dans sa requête, il souligne lui aussi qu'« ?il était impossible? » que le vote ait lieu en zones anglophones, dénonçant « ?l'impuissance de l'administration? » à y assurer la sécurité. Dans les zones anglophones en effet, très peu de personnes se sont rendues aux urnes dimanche, avaient constaté des journalistes de l'AFP.

Le taux de participation y serait en dessous de 5 %, selon le centre d'analyse International Crisis Group (ICG). Enfin, pour Cabral Libii, « ?la présidentielle s'est caractérisée par de nombreuses fraudes et irrégularités? ». Cette « ?élection n'a été ni libre, ni crédible, ni démocratique, ni transparente? », a-t-il écrit-il dans sa requête. Quinze autres recours ont été introduits par deux autres opposants, non-candidats à la présidentielle. Autant de signes qui font planer une incertitude sur la suite. Ce scrutin présidentiel n'a pas fini de nous réserver des surprises.